Dictionnaire Œconomique,

de Noël CHOMEL

 

Auteure scientifique : Isabelle Turcan : Professeur des Universités à la Faculté des Lettres, Université de Lorraine, Campus de Nancy (UMR ATILF)
Ingénierie d'étude : Viviane Berthelier (UMR ATILF)
Développement informatique : Jean-Yves Kerveillant (UMR ATILF), Jessika Perignon (UMR ATILF)

Réception du Dictionnaire Oeconomique de N. Chomel : son succès auprès du public.


Il est particulièrement intéressant d’étudier la réception des premières éditions du Dictionnaire Oeconomique de N. Chomel au début du XVIIIe siècle et les indices de son succès auprès du public. Nous en donnerons ci-dessous un aperçu en nous fondant sur les témoignages présents dans quelques-uns des périodiques savants, contemporains de la parution de ces premières éditions et rééditions comme le Journal de Trévoux ou Mémoires de Trévoux confronté au Journal des Sçavans, sans négliger l’avis des encyclopédistes.


1. Trois beaux témoignages tirés des Mémoires de Trévoux :

- Janvier 1709, p. 183, « Nouvelles Littéraires de Lyon », Dictionnaire oeconomique de Chomel :

« On imprime ici un Livre intitulé Dictionnaire oeconomique, contenant les moyens d'augmenter & conserver son bien & même sa santé. 2 vol. in fol. Le Livre sera dédié à Monseigneur le Duc de Bourgogne. Il est composé par Monsieur Chomel Curé de Saint-Vincent Paroisse de cette Ville. »


- Mai 1710, p. 906-912 : Dictionnaire Oeconomique … de N. Chomel, Lyon, 1709.

« Notre siecle si fertile en Dictionnaires n'en a point encore vû de pareil à celui-ci: c'est une invention toute nouvelle dont il peut se glorifier. On le doit au zele & à l'application de Mr Chomel [...] il a trouvé de grandes facilitez à s'instruire des remedes dont il donne le Recueil dans ce Dictionnaire.
Mr Chomel avoit trop de charité pour ne pas communiquer ces precieuses decouvertes : il a choisi l'ordre alphabétique & la forme de Dictionnaire, comme la plus commode pour réünir les matiéres differentes, sur lesquelles il vouloit instruire le Public. Le titre fait connoître combien le dessein de Mr Chomel est vaste & interessant : il peut aussi donner quelque idée du style de l'Auteur.
Il semble qu'il n'ait pas voulu s'en fier aux journalistes du detail de tout ce que son Dictionnaire renferme de curieux, & qu'il en ait voulu donner l'extrait par avance. Dispensez par ce soin qu'il a pris, de nous étendre davantage, nous nous bornerons à indiquer certains articles qui nous ont paru dignes d'une plus grande attention. Le premier article est de ce nombre : il s'agit des moyens de prolonger sa vie [...]


- Mars 1713, p. 458-459, à propos du Supplément au Dictionnaire Oeconomique de N. Chomel :

« Le zèle d’être utile au Public, dont Mr Chomel est enflamé, n’a pû se borner à son Dictionnaire Oeconomique, il a rassemblé ce qui manquoit à cet ouvrage, & il le donne sous le tître de Supplément […] Il faudroit copier huit pages in folio à deux colonnes, pour indiquer tout ce que ce Supplément contient de curieux & d'utile. »


2. Le Journal des Sçavans : une réception mesurée et narquoise

- Supplément du Journal des Sçavans, 1708-1709, août 1709, p. 316-323 :

Après une curieuse reprise partielle (partiale ?) du contenu de l’Avertissement du libraire de l’édition de 1709, assortie de jugements telles les formulations suivantes,

« Ce qu’il y a de certain, c’est que l’Auteur en est comme assuré, puisqu’il s’offre à la page 6 de donner gratuitement des poignées de ce bled pour en faire l’epreuve. Il tient ce secret de M. le Prieur de la Perrière (Le secret des secrets, Paris, 1698) […]. Cet auteur en a beaucoup appris de ses Paroissiens, pour la plûpart Marchands de Bois, de Bled, de Vin, de Soyen &c, & dont il y a près de 30. ans qu’il est le Pasteur. En voilà suffisamment pour convaincre le Lecteur » (p. 318),

l’auteur du compte-rendu s’attache à donner des exemples sur des entrées du dictionnaire telles Abondance de crème :

« on aura abondance de crème si on met un limaçon rouge dans un pot où il y ait du lait : que si l’on met pareille quantité de lait dans un autre pot sans y mettre de limaçon, on verra combien il y en aura plus dans l’un que dans l’autre »,

Abondance de richesses dans le royaume, Abondance de vin :

« Pain dont un morceau peut substanter huit jours un homme sans manger autre chose » […]

Avant de conclure non sans quelque ironie :

« Pour donner une idée plus entière de ce Dictionnaire, nous remarquerons qu’il contient, avec toutes les autres matieres, des instructions sur les principaux devoirs de la Morale Chrétienne. Par exemple, à la lettre P. aux mots de Prêtre & de Prédicateur […]. L’auteur n’oublie pas même les Professions serviles, & la charité s’étend à tout. Ainsi qu’on peut le voir aux mots de Valet de Chambre, de Laquais, de Servante, de Chartier, de Postillon, &c. »


3. Un des témoignages des encyclopédistes exprimant leur jugement dans l’article consacré au mot AGRICULTURE de l’Encyclopédie coordonnée par D. Diderot et J. le Rond d’Alembert :

«[…] la France est un pays agricole par sa nature, par la bonté & la fertilité de son sol, susceptible de toutes sortes de cultures & de productions, & par le génie facile de ses habitans, laborieux, éclairés par les bons ouvrages d'Agriculture, dont je vais donner une courte notice, & par des sociétés uniquement occupées de ce travail : on sent que l'accroissement de nos lumieres doit influer sur la perfection de l'Agriculture. Après Liébault, Etienne, Palissy, Deserres, & autres auteurs anciens, dont j'ai parlé plus haut, Louis Liger, Bourguignon, mort le six Novembre 1717, est le premier qui ait contribué aux progrès de l'Agriculture en ce siecle par son économie générale de la campagne, ou nouvelle Maison Rustique, dont il y a eu plusieurs éditions considérablement augmentées. […] M. Chomel, curé de Saint-Vincent de Lyon, petit-neveu du fameux Delorme, médecin de Henri IV, fit paroître sur la fin du regne de Louis XIV, son Dictionnaire Economique, contenant divers moyens d'augmenter son bien, & de conserver sa santé. Ce respectable curé, éleve du fameux Laquintinie & ami de l'abbé de Vallemont, entendoit parfaitement tous les détails de l'économie champêtre, parce qu'étant au séminaire de Saint-Sulpice, il avoit été choisi pour administrer les biens dépendans près du château d'Avron de Vincennes, à une lieue de Paris. La vogue qu'a eue son dictionnaire & les différentes éditions qu'on en a faites, prouvent l'utilité de cet ouvrage & le goût du public pour ces sortes de dictionnaires, où l'on puise sans peine & sans travail les premieres notions du premier de tous les arts. […] »

Ainsi disposons-nous d’un précieux et beau témoignage de la réception de notre dictionnaire au XVIIIe siècle !

Mais nous savons aussi combien le succès de l’Encyclopédie a pu exercer un rôle négatif sur l’oubli progressif du Dictionnaire oeconomique après son ultime édition en 1767.



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